La pierre lithographique, roche calcaire utilisée pour imprimer des textes et des illustrations, a connu une histoire fascinante. De l’invention de la lithographie en 1798 et sa révolution de l’impression à son usage moderne, en passant par le rôle crucial des carrières de Montdardier dans l’histoire de la pierre lithographique française, ce support artistique a traversé les siècles et les modes.
Les carrières de Montdardier vous proposent un saut dans le passé pour tout savoir sur la pierre lithographique, son origine, son processus d’utilisation et son usage aujourd’hui :
Qu’est-ce que la lithographie ?
La lithographie, du grec « lithos » (pierre) et « graphein » (écriture), est un procédé d’impression à plat, sur pierre calcaire, inventé par Aloys Senefelder en Allemagne à la fin du 18ème siècle (1797-1798). Cette technique repose sur l’utilisation d’une pierre calcaire polie sur laquelle on réalise une œuvre avant de la presser sur papier (ou tout autre support).
Dès son origine, la lithographie révolutionne l’impression, permettant une reproduction plus facile et moins chère d’œuvres originales qu’avec la gravure sur pierre ou sur cuivre. De ce fait, elle devient au 19ème siècle la technique de reproduction la plus efficace, utilisée tant pour les beaux-arts que pour le commerce et la publicité. Aujourd’hui, elle a une portée plus étendue, désignant un processus d’impression utilisant la pierre, le bois, le polyester, l’aluminium, etc.
Qu’est-ce qu’une pierre lithographique ?
La pierre lithographique est une roche calcaire dure, épaisse, uniforme et sans défaut, au grain très fin et serré, et facile à polir. Moins coûteuse que les planches de cuivre, elle est idéale pour l’impression lithographique, grâce à sa capacité à accrocher les corps gras utilisés pour les dessins et textes. La pierre, une fois polie, pouvait être réutilisée plusieurs fois, la rendant extrêmement pratique et économique.
D’où vient la pierre lithographique ?
La première pierre lithographique est identifiée à Solnhofen, en Bavière, à la fin du 18ème siècle.
En France, c’est dans notre ville de Montdardier, dans le Gard, qu’est identifiée la première vraie pierre lithographique. Par la qualité inouïe de ses pierres compactes grises, à grain très fin et aux veines spathiques, et son abondance, la ville devient rapidement le premier centre de production français de pierres lithographiques au 19ème siècle et début du 20ème siècle.
L’importance des carrières de Montdardier dans la pierre lithographique
Depuis la découverte de la pierre lithographique en Bavière, la pierre de Munich était considérée comme la meilleure, offrant des qualités supérieures à toutes les autres pierres, celles françaises incluses. Toutefois, cela changea en 1841 avec l’exploitation de la pierre lithographique de Montdardier.
Tout commence par un concours
En 1837, la Société d’Encouragement pour l’industrie nationale lance un concours dont le but était la découverte et l’exploitation de carrières lithographiques françaises. En respectant une liste précise de critères, le concours offrait une récompense de 1.500 francs.
La découverte de la pierre de Montdardier par Guillaume - Joseph Donnadieu
C’est dans ce contexte que Guillaume-Joseph Donnadieu, lithographe et graveur, fait une découverte capitale en 1840 à Montdardier, suite à une anecdote aussi improbable que déterminante.
Comment Donnadieu a découvert ce gisement de Montdardier ? Lors d’un déjeuner en campagne avec l’un de ses amis, il est stupéfait de la qualité de la table sur laquelle ils étaient servis, une grande dalle de pierre polie par une longue utilisation, et notamment par sa couleur, sa texture et la finesse de son grain. Entendant que cette pierre provenait de Montdardier, et connaissant le potentiel lithographique des pierres des Cévennes, Donnadieu s’y rend dès le lendemain.
Il arrive rapidement au point où les locaux viennent récupérer la pierre calcaire présente pour s’en servir comme matériau de construction (marches d’escaliers, toitures, etc.). Donnadieu récupère deux blocs d’environ 25 cm de côté et les ramène avec lui à Nîmes pour des essais lithographiques.
Réussissant ses tests (un dessin de la statue du chevalier d’Assas qu’on trouvait sur la place publique du Vigan tirée en 600 exemplaires pour devenir des couvertures de cahiers d’écoliers), il fait affermer la partie du bois où se trouvait le meilleur gisement et fit surveiller l’extraction de la pierre, commençant la première exploitation de la carrière de Montdardier.
La qualité de la pierre lithographique de Montdardier
Dans le cadre du concours et suite aux essais réalisés, il est conclu par l’ingénieur des mines de l’arrondissement de Vigan que la pierre lithographique de Montdardier se distingue par sa remarquable résistance et sa constance au fil du temps. Plus compacte et durable que ses homologues allemandes, elle permet des tirages de qualité exceptionnelle, sans altération.
Parmi les trois catégories de pierres lithographiques exploitées dans les carrières de Montdardier, deux sont parfaites pour la lithographie :
- La pierre bleu-claire ou jaune : idéale pour le travail au crayon, elle possède un grain fin, et, peu spongieuse, rejette facilement l’eau et ne grossit pas l’écriture. De plus, sa préparation est facile.
- La pierre bicolore ou jaune et bleu : les pierres bleu foncé sont les pierres les plus estimées, pouvant être confondues avec les pierres de Munich. Elles sont idéales pour toutes sortes de travail : gravure, écriture à la plume, etc.
Fin du concours et succès de la carrière de Montdardier
Suite à ces nombreux essais et tirages, la commission de la Société conclut que parmi les pierres lithographiques trouvées en France « celles du Vigan sont incontestablement les plus belles et les meilleures qui […] soient parvenues jusqu’à ce jour ; elles peuvent avec avantage remplacer celles de Munich […]. »
Guillaume – Joseph Donnadieu remporte le prix de 1.500 francs et une médaille d’argent pour la découverte et l’exploitation de la carrière de pierre lithographique de Montdardier.
Suite à ce concours, après de nombreuses tentatives de partenariats d’exploitation et à la mort en 1849 de Donnadieu du choléra, la carrière de Montdardier arrive entre les mains MM. Jullien, Deplaye et Ce. Le village de Montdardier devient alors le premier centre de production française de pierre lithographique, exploitant activement son gisement de pierre calcaire du 19ème siècle au début du 20ème siècle.
À l’époque, la carrière livre annuellement 300.00 – 400.000 kilos de pierres lithographiques dans le commerce. La pierre de Montdardier connaît ainsi un succès important, servant notamment à la lithographie des portraits en pied de 2m45 sur 1m35 de l’Empereur Napoléon III et de la Reine Victoria, portraits récompensés aux expositions de Londres (exposition universelle de 1862), exposition de Nîmes et à l’exposition universelle de Paris en 1867 et en 1900.
Comment est extraite la pierre lithographique ?
La pierre lithographique est extraite par bancs, dans les couches inférieures de la carrière, les couches supérieures, moins lisses et moins gélives, étant utilisées comme pierre à bâtir, notamment comme lauze de toiture, pavés ou marches d’escalier.
À cette époque, les blocs étaient extraits sur une surface d’une centaine de mètre de long et d’une dizaine de large. On utilisait l’extrémité de deux barres à mine (appelées palferres) entre deux blocs pour faire levier. Sur la partie supérieure des palferres, se trouvait un plateau de bois attaché de cordes (appelé traverse) qui permettait d’ajouter du poids et de faire levier, facilitant ainsi l’extraction des blocs.
Une fois la pierre extraite, celle-ci était chargée sur des chars à bœufs puis emmenée à l’usine d’Avèze pour être taillée. On divisait alors la pierre en dalles moins épaisses et on polissait sa surface pour obtenir un rendu parfaitement lisse, plane et homogène. Puis, des tailleurs la façonnaient selon les exigences de formats du commerce et la pierre était de nouveau polie, avant d’être vendue dans toute l’Europe.
Pour quoi est utilisée la pierre lithographique ?
La pierre lithographique peut être utilisée pour de nombreux usages créatifs ou commerciaux. Au 19ème siècle, elle était surtout utilisée pour la création d’affiches publicitaires, des caricatures et des dessins satiriques, des illustrations de voyage. Elle a aussi séduit de nombreux artistes français et européens comme Manet, Degas, Picasso, Toulouse-Lautrec, Géricault, Braque ou Matisse.
L’intérêt de la pierre lithographique s’est aussi trouvé dans l’édition et la cartographie, avec une impression de couvertures de livre et le tirage d’œuvres musicales, ou les cartes topographiques et les plans architecturaux.
Son succès s’explique par sa facilité d’utilisation, les artistes pouvant travailler directement sur la pierre, sans avoir à passer par la gravure. De plus, la fidélité des détails et la haute précision de l’impression sur pierre permet de réaliser des tirages à grande échelle sans perdre en qualité.
Aujourd’hui, la pierre lithographique reste utilisée par de nombreux artistes et s’utilise beaucoup dans l’artisanat et les dans éditions artistiques.
Vous savez tout sur la pierre lithographique de Montdardier et son importance dans l’histoire française de la lithographie. Pour en savoir plus sur notre pierre, contactez notre équipe, nous sommes à votre écoute pour vous accompagner dans tous vos projets publics ou privés.
Sources :
- Le Calcaire Lithographique de Montdardier par A.-L. Donnadieu, 1868
- L’art de la lithographie par Aloys Senefelder, 1819
- Site du préfet du Gard
- Les musées d’Occitanie
- Le Familistère de Guise
- Mel Publisher